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Marie appelée la Magdaléenne (Marie, Marie-Madeleine)

Site historique consacré à Marie, surnommée "la Magdaléenne" (alias Marie de Magdala, alias Marie-Madeleine)

Marie-Madeleine enceinte de Jésus ? (1er volet)

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Marie-Madeleine enceinte ?

Marie-Madeleine enceinte de Jésus ? (1er volet)

Marie-Madeleine ou Marie l’Égyptienne ?

Marie-Madeleine aurait été la compagne de Jésus et le couple aurait eu des enfants. Voilà une théorie très en vogue depuis 2003, année de la parution du Da Vinci Code. D’aucuns vont jusqu’à affirmer que cette supposée descendance se serait mêlée aux Mérovingiens et qu’elle aurait survécu jusqu’à nous. On trouve sur certains sites, à l’appui de cette assertion, diverses illustrations censées représenter “Marie-Madeleine enceinte de Jésus”.

 

Mais la figure féminine représentée est-elle réellement Marie-Madeleine ?

Dans ce premier volet, nous n’en examinerons qu’une seule : la magnifique statue de la collégiale Notre-Dame d’Écouis (Haute-Normandie) datée du XIVe siècle et présentée sur certains sites comme une représentation de Marie-Madeleine enceinte. Pourtant, les historiens de l’art s’accordent aujourd’hui pour dire que la figure féminine en prière de la collégiale Notre-Dame d’Écouis n’est pas Marie-Madeleine mais Marie l’Égyptienne. C’est le point de vue que nous défendons ici, arguments à l’appui.

Statue du XIVe siècle, collégiale Notre-Dame d’Écouis (Haute-Normandie)

Confusion entre Marie-Madeleine et Marie l’Égyptienne

Sainte Marie-Madeleine, la Vierge et l’Enfant Jésus, Sainte Marie Égyptienne (Marc-Antoine Raimondi, estampe du XVIe siècle)

Marie la Magdaléenne, rebaptisée “Marie-Madeleine”, est une figure évangélique de tout premier plan. Elle a vécu au Ier siècle de notre ère. À la fin du VIe siècle, la tradition latine l’a confondue avec la pécheresse anonyme mentionnée en Luc 7, puis en a fait une ex-prostituée repentie.

Marie l’Égyptienne est beaucoup moins connue du grand public. C’est un personnage légendaire ou semi-légendaire qui aurait vécu au Ve siècle en Palestine. Elle est vénérée dans les Églises orthodoxe et catholique. D’après la légende, elle vivait à Alexandrie de la prostitution. Désireuse de se rendre en Palestine, elle paya la traversée de ses charmes. Une fois à Jérusalem, elle sentit une force qui l’empêcha de pénétrer dans la basilique. Prenant conscience de ses péchés elle se tourna vers l’icône de la Vierge Marie et la supplia d’intercéder en sa faveur pour le pardon de ses fautes. À la suite de quoi, elle prit trois pains pour toute nourriture, traversa le Jourdain et se retira dans le désert pour y mener une vie de pénitence. Quarante-sept ans d’ascèse eurent raison de ses vêtements qui finirent par tomber en lambeaux. Elle n’avait plus que sa longue chevelure qui lui tombait jusqu’aux pieds pour cacher sa nudité. C’est dans cet état d’extrême dénuement que l’abbé Zozime l’aurait découverte. Après sa mort, elle se releva enfin pour être enlevée au ciel par des anges. Au Moyen âge l’iconographie et la légende de Marie-Madeleine se sont enrichies par des emprunts à celles de Marie l’Égyptienne si bien que les deux personnages ont souvent été confondus[1].


[1] Daniela Mariani, “La chevelure de sainte Marie l’Égyptienne d’après Rutebeuf”, Perspectives médiévales 38, 2017, p. 20, note 15 : « Les deux saintes ont été souvent mises en relation et même confondues, mais la tradition iconographique et les images textuelles de la chevelure de la sainte appartiennent d’abord à l’Égyptienne. »

Si l’on compare d’autres représentations médiévales de Marie l’Égyptienne à celle de la collégiale Notre-Dame d’Écouis, il est clair qu’il s’agit bien de la même figure féminine. Marie l’Égyptienne, en effet, est toujours représentée nue, n’ayant pour seul vêtement que ses longs cheveux qui lui tombent jusqu’aux pieds.

 

Quand elle n’est pas représentée comme ici, les mains jointes, en prière[1], elle tient entre ses mains les trois pains qui, selon la légende rapportée plus haut, ont suffi à assurer sa subsistance durant ses longues années de pénitence :


[1] Sa légende veut qu’elle ait supplié la Vierge Marie d’intercéder en sa faveur pour le pardon de ses péchés (voir plus haut).

Le fait qu’une sainte égyptienne soit vénérée en Normandie (Notre-Dame d’Écouis) au XIVe siècle n’a rien de surprenant. Voici ce que nous dit Henri-Charles Loffet, docteur en égyptologie, ancien élève de l’École du Louvre et spécialiste de cette question :

« C’est à partir du XIe siècle que le culte des saints dits “égyptiens” se répand en Normandie. Le plus important de ceux-ci fut sans conteste celui voué à Sainte Catherine-d’Alexandrie (attesté à Rouen dès 1026, selon la légende). Mais d’autres s’implantèrent fortement dans le Duché tels Sainte Marie-l’Égyptienne, Saint Maurice-de-la-légion-thébaine ou encore Saint Eustache, sans oublier Saint Antoine-du-désert, le fondateur du monachisme chrétien. »[1]

Marie l’Égyptienne une fois clairement identifiée, la question de savoir si la sainte est enceinte ou non n’a pour nous plus grand intérêt. Cela peut dépendre des choix retenus par l’artiste, du modèle dont il s’est servi ou de tout autre facteur. Pour comprendre que cette question est sans réelle pertinence, il nous suffit de comparer la statue de Notre-Dame d’Écouis à celle que l’on peut admirer sur les colonnes supportant les avancées de l’Église Saint-Germain l’Auxerrois. 


[1] https://caen.fr/evenement/les-saints-dits-egyptiens-en-normandie

Marie l’Égyptienne (XVe siècle), Église Saint-Germain l’Auxerrois

Datée du XVe siècle et facilement identifiable grâce aux trois pains qu’elle tient entre ses mains, cette Sainte-Marie l’Égyptienne aux formes généreuses n’a rien à envier en termes de “rondeurs” à celle de Notre-Dame d’Écouis. Va-t-on pour autant prétendre ici que ses rondeurs sont l’œuvre de Jésus ? 

Thierry Murcia, PhD, Octobre 2019

Centre Paul-Albert Février (TDMAM-UMR 7297 / Aix-Marseille Université-CNRS)

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Marie-Madeleine enceinte de Jésus ? (2e volet)

La Vierge Marie, la femme de l’Apocalypse et la femme adultère

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