15 Avril 2018
Recommended Book on Academia / Livre recommandé sur Academia
Jésus embrasse Marie-Madeleine : Jesus of Nazareth (Zeffirelli, 1977)
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The Kiss of Jesus to Mary - Marie appelée la Magdaléenne (Marie, Marie-Madeleine)
Recommended Book on Academia / Livre recommandé sur Academia Mary Magdalene The Unsuspected Truth (Part XXX) Jesus kissing Mary Magdalene (Jesus of Nazareth, Zeffirelli, 1977) En F rançais Clique...
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Extrait de : Thierry Murcia, Marie-Madeleine : l’insoupçonnable vérité ou Pourquoi Marie-Madeleine ne peut pas avoir été la femme de Jésus, Propos recueillis par Nicolas Koberich[1], La Vie des Classiques (éditions les BellesLettres), 2017, p. 75-81.
- Reste tout de même un léger problème…
- Lequel ?
- On lit également dans l’Évangile selon Philippe :
La compagne du Fils est Marie-Madeleine. Le Seigneur aimait Marie plus que tous les disciples ; il l’embrassait souvent sur la bouche.
C’est l’un des deux passages sur lesquels s’appuie l’auteur du Da Vinci Code pour faire de Marie de Magdala la compagne de Jésus. Que répondez-vous à ça ?
- Pour être précis, c’est l’un des deux seuls passages utilisés par Dan Brown, avec celui cité plus haut tiré de l’Évangile selon Marie…
- Cette fois le texte paraît sans ambiguïté…
- Mais quelques précisions s’imposent quant à la nature exacte du « baiser ». Pour commencer, saviez-vous que le mot « bouche » ne figure pas dans le manuscrit copte ?
- Non.
- En fait, le texte présente une lacune à cet endroit. On suppose que c’est bien ce mot qui figurait dans le manuscrit mais nous n’en avons pas l’absolue certitude. D’autres parties du corps ont d’ailleurs été proposées avec plus ou moins de vraisemblance : « les pieds », « la joue », « le front », « la main »… Autant d’alternatives bien moins équivoques et peu susceptibles, en tout cas, de nourrir une quelconque intrigue romanesque, n’est-ce pas ?
- Certes. Si Jésus n’a fait qu’embrasser Marie-Madeleine sur le front ou la joue, ça n’a plus rien d’un scoop.
- Mais notre lectorat, je crois, est un peu plus exigeant. Il ne se satisfait pas des montages mal ficelés et des réponses toutes faites…
- J’espère bien ! Pourtant, vu le contexte, « la bouche » paraît bien être ici l’option la plus vraisemblable, non ?
- Oui. Il s’agit bien, vraisemblablement, de la bouche.
- Ah ! Alors ?
- Alors… tout est encore une fois question de contexte. Pour les gnostiques, le baiser est le signe d’une intimité spirituelle et non pas charnelle. En tant qu’échange de souffle, il marque la communion et la régénération spirituelle réciproque. Dans l’Évangile selon Marie, après le départ définitif du Ressuscité, c’est Marie elle-même qui va vers les disciples désemparés et qui leur donne à tous un baiser sur la bouche. Le baiser était communément pratiqué au sein des communautés gnostiques, mais il en était de même dans les premières communautés chrétiennes.
- Un baiser… sur la bouche ?
- Parfaitement. Celui-ci s’échangeait après la prière commune au moment de l’eucharistie. Le baiser était initialement le signe de l’appartenance à une même famille et c’était aussi une marque d’amitié et d’estime. Voyez le livre des Proverbes :
Il met un baiser sur les lèvres, celui qui répond franchement.
Dans cette perspective, le baiser de Judas est, dans les évangiles, le signe non équivoque de la trahison suprême !
- Judas aussi embrasse Jésus sur la bouche ?
- Bien sûr. Vous pensiez peut-être qu’il lui faisait « la bise » ? Il faut toujours s’efforcer de resituer les choses dans leur contexte.
[1] Docteur ès Lettres et écrivain.
Le baiser de Judas
Nicodemus Silivanovich & Mikhail Schetinin (1873-1885)
- Et pour ce qui est du baiser entre un homme et une femme ?
- Il en était de même, sous certaines conditions. Mais en dehors de l’Église et de certains cercles ou communautés, celui-ci était réservé aux membres d’une même famille. Il signait la parenté par le sang. Ainsi les frères embrassaient-ils communément leurs sœurs, les pères, leurs filles, les fils, leur mère et réciproquement. Dans la Seconde apocalypse de Jacques, un autre écrit gnostique, c’est son « frère » Jacques que le Ressuscité embrasse sur la bouche. Et dans l’Évangile selon Marie, c’est tout simplement sa mère.
- Comment en être certain ?
- Chez Jean, au moment où Marie de Magdala reconnaît le Ressuscité, celui-ci s’exclame :
Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Mais va trouver mes frères…
Ce passage a fait couler beaucoup d’encre. Selon une ancienne tradition, Marie était alors simplement désireuse d’embrasser son fils. C’est ce que nous dit saint Éphrem :
Quand sa mère le vit, après sa victoire sur les enfers, elle voulut l’embrasser maternellement.
L’Évangile selon Marie se fait simplement l’écho de cette tradition.
- Il est bien question, chez Éphrem aussi, de baiser sur la bouche ?
- Il est question ici d’étreinte maternelle. Mais, à cette époque, les deux allaient de pair. D’ailleurs, nous disposons encore d’autres témoins coptes qui attestent de la vigueur passée de cette tradition et qui n’ont encore jamais été versés au dossier.
- Des textes connus ?
- Non, pas vraiment… jusqu’ici en tout cas. Dans un fragment d’évangile rédigé en copte dont le titre est perdu – peut-être l’Évangile de Gamaliel – publié en 1904 sous le titre Évangile des douze apôtres, voici comment est relatée l’apparition du Ressuscité à Marie de Magdala, sa propre mère dans le récit :
Marie ouvrit ses yeux, car ils étaient abaissés pour ne pas regarder sur terre à cause des scandales. Elle lui dit avec joie : « Maître, mon Seigneur, mon Dieu, mon fils, tu es ressuscité, bien ressuscité ». Elle voulait le saisir pour le baiser sur la bouche. Mais lui l’en empêcha et la pria, disant : « Ma mère, ne me touche pas. Attends un peu […] Maintenant donc, ô ma mère, hâte-toi d’avertir mes frères et de leur dire… »
- C’est sans équivoque !
- Cette tradition se retrouve notamment dans une série de textes coptes faussement attribués à Cyrille de Jérusalem :
Il lui dit : « Mariham ! » Elle reconnut que c’était son fils et voulut l’embrasser, s’exclamant en hébreu : « Rabboni » (qui se traduit par « Maître »). Elle courut à sa rencontre, désireuse, dans sa joie, de l’embrasser et de baiser sa bouche – puisque aucun être humain ne serait capable de réfréner sa joie dans un moment pareil ! – mais lui voulut la retenir et lui dit : « Ne me touche pas… »
Et encore, c’est Marie qui parle :
J’étais si heureuse que je m’approchai pour l’embrasser selon mon habitude. Lui me dit : « Ne me touche pas… »
Et il y en a d’autres…
- C’est à peine croyable !… Mais sait-on pourquoi Jésus refuse cette maternelle étreinte ?
- Sans doute qu’avant d’accepter celle de sa mère terrestre, le Ressuscité doit-il d’abord monter au Ciel pour recevoir cette marque d’affection de son Père céleste. C’est ce qui ressort, du moins, d’un autre témoin copte – le Livre de la Résurrection de Barthélemy – où l’on peut lire qu’après être apparu à sa mère :
Le Sauveur s’en alla et s’éleva dans les cieux […] Le Père sur son trône embrassa son fils bien-aimé. Il plaça sur sa tête une grande couronne de gloire et de bénédiction, etc.
- Voilà qui met en tout cas un terme définitif au débat sur la question de la véritable identité de la Marie des sources gnostiques qui divise depuis des décennies les spécialistes de ces textes !
- Il n’y avait alors, d’une part, rien de plus naturel pour une mère que d’embrasser son fils sur la bouche. D’autre part, un tel élan spontané d’amour et de joie trouve parfaitement sa place dans le cadre narratif de l’épisode évangélique. Si Marie veut embrasser Jésus, c’est parce que c’est son propre fils et qu’elle le croyait à jamais disparu. L’Évangile selon Marie, qui fait de sa mère une privilégiée du fait qu’il « l’embrassait sur la bouche » et qu’il « l’aimait plus que toute autre », se rattache tout simplement à cette tradition.
Marie embrasse son défunt fils
(Fresque de la chapelle de Sant’Andrea di Montiglio Monferrato, Italie)
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About the Author Thierry Murcia is a french historian (Doctor in History with highest honors, unanimous jury congratulations and special mention) who specializes in the study of ancient Judaism and
La Version scientifique, disponible à la Fnac, sur Amazon ou chez votre libraire, publiée aux Presses Universitaires de Provence (2017)
Voir également :
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